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La formule Black-Scholes démystifiée

Martin Noël
27 juin, 2017
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La formule Black-Scholes démystifiée

La formule Black-Scholes (BS) est un modèle d’évaluation des options qui a été publié en 1973 par deux académiciens, Fischer Black et Myron Scholes. La publication de leur article est arrivée la même année que la création de la Chicago Board Options Exchange (CBOE) et a permis du même souffle de démocratiser l’utilisation des options qui était alors réservée aux institutions qui avaient les ressources technologiques appropriées.

La formule BS fut révolutionnaire, car elle pouvait être facilement programmée dans les calculatrices de l’époque. Ainsi, tous et chacun pouvait finalement évaluer la valeur d’une option. Son utilisation est simple, mais la mathématique sous-jacente l’est moins. Dans cet article, je tenterai de démystifier ce modèle, qui de prime abord peut paraître très rébarbatif, sans toutefois entrer dans la mathématique sous-jacente.

 

 

Tout d’abord, la voici cette fameuse formule BS pour une option d’achat de style européen ne versant pas de dividendes*. Rappelons qu’une option de style européen ne peut être exercée qu’à l’échéance alors qu’une option de style américain peut l’être en tout temps.
C0 = S0 N(d1) – Ke-rT N(d2)

Où,
C0 = le prix d’une option d’achat de style européen qui ne verse pas de dividendes
S0 = le prix du titre sous-jacent au moment de l’évaluation
d1 = (ln(S0/K) + (r + σ2/2)T)/(σ√T)
N(d1) = la mesure statistique (distribution normale) correspondant au delta de l’option d’achat
d2 = d1 – (σ√T)
N(d2) = la mesure statistique (distribution normale) correspondant à la probabilité que l’option d’achat soit exercée à l’échéance
Ke-rt = la valeur actuelle du prix de levée
r = le taux d’intérêt sans risque
T = le temps à courir jusqu’à l’échéance en nombre d’années
σ = la volatilité du prix de l’action sous-jacente

 

Comme nous pouvons le constater, nous retrouvons dans la formule BS les six facteurs qui ont un impact sur la valeur des options et que nous avons traités dans un article précédent, soit le prix du titre (S0), le prix de levée (K), le temps à courir jusqu’à l’échéance (T), le taux d’intérêt sans risque (r), la volatilité du prix de l’action (σ) et le dividende, qui dans cet exemple est égal à zéro.

Pour le moment, si on fait abstraction des termes N(d1) et N(d2), nous constatons que la formule BS se base tout simplement sur l’expression « S0 – Ke-rT ». Cela vous rappelle très certainement quelque chose, n’est-ce pas ? En effet, la base de la formule BS est tout simplement la valeur intrinsèque actuelle de l’option d’achat. Ainsi, quand l’écart entre les deux termes augmente, la valeur intrinsèque de l’option d’achat augmente, et vice versa quand l’écart se rétrécit.

 

Mais qu’arrive-t-il lorsque la variable S0 est inférieure à Ke-rT ? Comme le prix de l’option d’achat (C0) ne peut être négatif alors ce sont les variables N(d1) et N(d2) qui viennent à la rescousse pour lui donner une valeur positive alors que sa valeur intrinsèque doit être, au pire, nulle. Les variables N(d1) et N(d2) sont des variables statistiques correspondant à des probabilités et leurs valeurs sont comprises entre 0 et 1. Par conséquent, plus S0 est inférieur à Ke-rT, plus les variables N(d1) et N(d2) s’approchent de zéro. Et lorsque les variables N(d1) et N(d2) valent exactement zéro alors la valeur de C0 est également nulle. Cette approche brillante de Black et Scholes a permis ainsi d’éliminer toutes valeurs négatives pour le prix de C0.

En y regardant de plus près, on constate que l’expression S0 N(d1) correspond à l’encaissement probable lié à la vente des actions à l’échéance alors que l’expression Ke-rT N(d2) correspond au décaissement probable lié à l’achat des actions à la suite de l’exercice de l’option d’achat à l’échéance. C’est donc la différence entre les deux expressions qui donne toute sa valeur à l’option d’achat.
Prenons l’exemple d’une option d’achat de style européen sur Shopify Inc., un titre qui ne verse pas de dividendes et qui se négociait à 114,92 $ le 16 juin 2017. Nous choisirons le prix de levée de 110 $ avec une échéance du 19 janvier 2018.

 

Les valeurs suivantes sont saisies dans la formule BS :
S0 = 114,92 $, K = 110 $, r = 0,57 %, σ = 43,82 %, T = 0,59 (217 jours)
Nous cherchons,
C0 = S0 N(d1) – Ke-rT N(d2)

 

Nous obtenons les résultats suivants,
Ke-rT = 109,63 $
d1 = 0,3083
d2 = -0,0283
N(d1) = 0,6211
N(d2) = 0,4887
C0 = 114,92 $ x 0,6211 – 109,63 $ x 0,4887
C0 = 71,37 $ – 53,58 $
C0 = 17,80 $

 

Comme nous pouvons le constater, la valeur de l’option d’achat est le résultat de la différence entre 71,37 $, qui représente l’encaissement probable lié à la vente des actions à l’échéance, et 53,58 $, qui représente le décaissement probable lié à l’achat des actions à la suite de l’exercice de l’option d’achat à l’échéance, pour une valeur totale de 17,80 $.

 

 

En conclusion, la formule BS, bien qu’ayant été développée à l’aide de notions mathématiques complexes, peut facilement être utilisée par le commun des mortels que nous sommes. Tout compte fait, la formule BS que nous venons de voir est essentiellement le calcul de la valeur intrinsèque actuelle ajustée pour tenir compte de la probabilité de voir la valeur du titre être supérieure au prix de levée à l’échéance. Cette probabilité étant prise en compte par les variables N(d1) et N(d2).

 

* La formule pour une option de vente européenne ne versant pas de dividendes est P0 = Ke-rT N(-d2) – S0 N(-d1)

 

Bonnes transactions et bonne semaine !

 

Les stratégies présentées dans le cadre de cette chronique ne le sont qu’à titre d’information et de formation et ne doivent pas être interprétées comme étant des recommandations pour acheter ou vendre toutes valeurs mobilières. Comme toujours, avant de mettre en place des stratégies d’options assurez-vous d’être à l’aise avec les scénarios proposés et d’être prêts à en assumer tous les risques.

Martin Noël
Martin Noël http://lesoptions.com/

Président

Corporation Financière Monetis

Martin Noël a obtenu un MBA en services financiers de l'UQÀM en 2003. La même année, il a reçu le Brevet de l'Institut des banquiers canadiens et la Médaille d'argent pour ses efforts remarquables dans le cadre du Programme de formation bancaire professionnelle. Monsieur Noël a commencé sa carrière dans le domaine des instruments dérivés en 1983 à titre de mainteneur de marché sur options, sur le parquet de la Bourse de Montréal, pour le compte de diverses firmes de courtage. Il a également occupé le poste de spécialiste sur options et, par la suite, de négociateur indépendant. En 1996, monsieur Noël est entré au service de la Bourse de Montréal à titre de responsable du marché des options où il a contribué au développement du marché canadien des options. En 2001, il a participé à la création de l'Institut des dérivés de la Bourse de Montréal où il a œuvré à titre de conseiller pédagogique. Depuis 2005, Martin est chargé de cours à l'UQÀM où il enseigne un cours sur les instruments dérivés au deuxième cycle. Depuis mai 2009, il est président à temps plein de la CORPORATION FINANCIÈRE MONÉTIS, une société active dans la négociation professionnelle et en communication financière. Martin agit comme collaborateur régulier en matière d’options pour la Bourse de Montréal.

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